Documentation électronique : Enjeux contemporains pour l’ESR
juillet-août-septembre 2024
Collections numériques dans une logique de supports, ressources en ligne dans une logique d’accès, ou bien documentation électronique (abrégé « dokelec ») selon leur nom d’usage métier : quel que soit le nom sous lequel on les regroupe, ces « bouquets » de revues en ligne, ces « packages » d’ebooks, ces « bases de données », nouveautés au début des années 2000 sont désormais au cœur des budgets, des activités et des usages des bibliothèques et opérateurs de la documentation scientifique et technique de l’ESR. En évoquer les spécificités, en retracer les évolutions depuis une vingtaine d’années et en souligner les dynamiques actuelles de manière synthétique est une gageure que tente de relever ce dossier.
La documentation électronique, cela commence par des négociations, respectant un cadrage et un calendrier, mobilisant des compétences spécifiques et se complexifiant, ainsi que le décrivent les négociatrices Claire Nguyen et Delphine Coudrin. Les négociations s’effectuent sous l’égide du consortium Couperin créé en1999, dont un des principaux acteurs, Grégory Colcanap, narre les étapes de développement, les évolutions et les challenges rencontrés et surmontés, souvent en lien avec ses partenaires comme l’Abes ou l’Inist-CNRS. Parmi les derniers défis que le consortium et ses membres doivent relever, les principales négociatrices actuelles de Couperin Adeline Régé, Françoise Rousseau et Christine Weil-Miko décrivent les raisons et les moyens de l’insertion, progressive et tout en prudence, d’options de publication en accès ouvert dans les accords négociés avec les éditeurs et l’importance de préserver et développer des modèles alternatifs et diversifiés de financement de l’édition scientifique.
Les ressources en ligne, du fait qu’elles sont négociées, se présentent en bouquets regroupant de nombreux titres et nécessitent accès authentifiés et liens vérifiés, se gèrent et se signalent avec des outils d’abord spécifiques, mais qui avec le temps convergent avec les outils classiques pour déboucher sur une nouvelle génération de systèmes documentaires intégrant nativement la gestion des collections numériques. Ce motif « distinction puis convergence », décrit par Émilie Barthet dans son article sur l’écosystème des outils de gestion utilisés dans les établissements, se retrouve, mutatis mutandis, dans l’évolution des outils de signalement de la documentation électronique développés et mis à disposition par l’Abes, les bases de connaissances éditeurs convergeant via BACON et les exemplarisations en masse vers le catalogue collectif patiemment érigé notice par notice par les bibliothécaires.
Au SCD de l’Université de Rennes, la documentation en ligne a vécu les mêmes évolutions et est aujourd’hui traversée par différentes dynamiques: des collections et du signalement, elle déborde et irrigue d’autres champs comme l’ouverture des publications scientifiques et la formation des publics. Au sein d’un établissement public expérimental comme l’Université Paris-Saclay, les mutualisations de ressources électroniques, les acquisitions d’ebooks et le signalement sont des éléments moteurs de la dynamique de coopération entre les établissements. La dynamique du travail collectif imprègne aussi l’expérience CollEx-Persée d’une politique d’acquisition de collections électroniques de niche dans une logique de diversification des ressources.
La documentation électronique occupe une place de plus en plus centrale dans les politiques des établissements, comme l’indique entre autres son positionnement dans le projet d’établissement de l’Abes. Mutualisation, rassemblement des forces, unité entre établissements, coopération entre opérateurs nationaux sont, selon Michel Deneken, les mots d’ordre qui s’imposent dans ce domaine à l’échelle française à l’heure internationale de la science ouverte.
Thierry Fournier
Directeur adjoint du SCD de l’Université de Rennes, référent du dossier d’Arabesques