Arabesques n°118

octobre-novembre-décembre 2025

Couverture Arabesques N°118

A la recherche du pilotage de la recherche : un premier envol réussi pour les JET Abes 2025

Les 22 et 23 mai 2025, l’Atrium de l’université Montpellier Paul-Valéry a accueilli la première édition des Journées d’étude de l’Abes (JET).

Après vingt ans de rendez-vous annuels pléniers avec les Journées Abes (JABES), cette nouvelle formule instaure une alternance : années paires pour les JABES, années impaires pour les JET, centrées sur des thématiques ciblées destinées à approfondir des questions transversales à l’enseignement supérieur et à la recherche.

Cette édition consacrée aux données pour le pilotage de la recherche a rassemblé un public de 130 participant.e.s composé, au-delà des professionnels des bibliothèques, d’administrateurs de SI et de données de la recherche, nouveaux partenaires de l’ESR que l’Abes souhaite fédérer. Même si les quotas d’inscription (un représentant par établissement) ont accentué la sélectivité, la diffusion en streaming des sessions plénières a pu bénéficier à un large public.  

Un enjeu central : transformer le pilotage par les données

Dès l’ouverture par les vice-présidentes de l’UPV, la notion de « pilotage » a suscité des questions de définition, davantage posées en creux que par l’affirmative : ce pilotage, désormais largement déterminé par des logiques managériales, de mise en concurrence et de gestion de la pénurie budgétaire, s’agit-il de l’optimiser, de l’infléchir, de le reconfigurer ? Dans un contexte de diversification des financements et de compétition internationale, le respect de la liberté académique et de la pluralité scientifique apparaît crucial.

L’intervention d’Isabelle Blanc, administratrice des données, algorithmes et codes sources (AMDAC) au MESR, est venue illustrer l’ambition gouvernementale de « dé-silotage », d’interopérabilité, d’efficacité administrative et de simplification du quotidien. La feuille de route ministérielle 2025-2026 « Identifiants uniques et circulation des données » concerne en effet tous les acteurs de cet écosystème numérique : décideurs, administratifs, contributeurs de la recherche.

Un pragmatisme qui résonne avec d’autres initiatives, dont Simon Larger, directeur de l’AMUE, a présenté les plus significatives. Les échecs passés du « solutionnisme » rappellent que la fiabilité des données doit précéder tout dispositif de pilotage. Les projets en cours à l’AMUE, se fondent davantage sur les impératifs d’interopérabilité et de décentralisation : c’est ainsi par exemple que SIPRES, outil de suivi des appels à projets, s’interface avec OSCAR pour la gestion des contrats, ou avec CRISalid pour l’agrégation des données de recherche.

Retours d’expérience et temps d’échanges

Conformément aux objectifs énoncés par cette nouvelle formule, les nombreux retours d’expérience – vision internationale avec EuroCRIS, porteuse notamment du format CERIF ; Lillanalytics, cellule d’appui au pilotage de la recherche ; BiblioRef pour le suivi bibliométrique en SHS à Lyon 3 ; mise en œuvre d’un pilotage décisionnel à l’IRD – ainsi que les temps d’échanges, riches et denses, lors de quatre ateliers sont venus illustrer les principaux vecteurs pour la mise en place de SI Recherche performants : reporting et aide à la décision, mais aussi mise en conformité institutionnelle, valorisation et soutien réputationnel.

La table ronde de la dernière demi-journée, consacrée aux métiers et aux formes de collaboration émergeant autour du pilotage par les données, a ouvert sur une note prospective, à l’interface entre documentation, informatique, management de la recherche et pilotage stratégique.

Nathalie Marcerou-Ramel, portant la voix de l’Enssib, a souligné la nécessaire articulation entre compétences techniques et soft skills, dont la capacité à s’adapter à des travaux en équipes variées, ou « l’empathie professionnelle », clé de réussite d’un positionnement transversal à une multiplicité d’acteurs et de cultures organisationnelles, pointée par Madeleine Géroudet. Les débats ont aussi porté sur la question de la transparence des données et des agendas : si cette transparence est attendue par exemplarité de la part des acteurs du pilotage par les données, les « dé-silotages » peuvent exposer des équipes, au point de susciter un sentiment de dépossession ou d’arbitraire, et de compromettre toute adhésion.

En concluant sur la circulation des données comme étalon du succès, Nicolas Morin a rappelé l’enjeu de maîtrise de l’information et des politiques publiques, là où une réalité de fait – celle de la cogestion des données et des moyens entre secteurs public et privé – fournit le cadre actuel pour « recoder » le pilotage de la recherche.

Jean-Marie Feurtet
pour le comité de rédaction d’Arabesques