Arabesques n°116

Des données et des métiers, entre recomposition et évolution des savoir-faire

janvier-février-mars 2025

Si le droit d’auteur nous le permettait, l’ajout de plusieurs (dizaines ?) de strophes à l’inventaire de Jacques Prévert serait nécessaire pour embrasser le champ des savoir-faire couverts par les professionnels de la documentation au sein de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR). S’ouvrir aux compétences informationnelles dans le cadre de la formation à destination des étudiants, intégrer la transition bibliographique dans les pratiques de signalement, communiquer à destination des usagers et en interne, proposer des espaces et des services utiles et adaptés aux besoins, accompagner le développement de la science ouverte et la valorisation des publications scientifiques sont autant d’exemples de nouvelles pratiques qui sont venues s’ajouter aux métiers des bibliothèques. Certaines de ces nouvelles activités s’ancrent dans des évolutions professionnelles au long cours, alors que d’autres naissent des orientations politiques des établissements, des besoins exprimés par les communautés de l’ESR ou des nouvelles technologies. Les métiers liés aux données documentaires sont à la confluence du temps long et des exigences contemporaines.

Ces métiers couvrent un spectre, non exhaustif, qui va de l’alignement des référentiels à la question de la visibilité de la recherche au niveau national et international. Pour tenter de mettre en forme ces évolutions professionnelles, Anne Laurent explore les problématiques professionnelles autour des données. Dans un contexte où les directions des établissements sont de plus en plus attentives ou sensibilisées à la qualité des données, quelles compétences doivent être mises en œuvre ? A cette cartographie des besoins fait écho la contribution de Marie-Madeleine Géroudet et Jean-Marie Barbiche sur l’expérience développée par la cellule d’appui à la recherche des SCD de Lille et de Toulouse III – Paul Sabatier en matière d’intégration de compétences nouvelles et de construction de liens avec la recherche.

La question de l’acquisition de ces nouveaux savoir-faire est au cœur des enjeux de formation initiale et continue des professionnels. Comment les organismes spécialisés prennent-ils en compte dans leur offre de formation cette évolution des métiers qui concerne toutes les catégories et tous les statuts ? L’ENSSIB, ainsi que le montre Jean-François Blanchette, a développé dans le cursus de formation initiale, des contenus sur les données, avec des objectifs bien déterminés. En matière d’appui à la recherche, l’offre de formation des CFRCB occupe un positionnement spécifique, comme le montre l’article de Romain Féret. Il s’agit en effet, pour ces structures, de participer à l’acculturation de la profession et accompagner le développement de l’expertise.

Qu’elles se déploient ou non au sein de services spécifiques d’appui à la recherche, ces compétences viennent se heurter aux cadres d’emploi statutaires et aux référentiels professionnels, lesquels ne se distinguent pas trop par leur capacité d’adaptation aux nouvelles réalités. Comment intégrer tout de même ces activités récentes, très évolutives parfois, dans les organisations de travail ? La mise en ligne, par l’ADBU, d’un dictionnaire des compétences est une réponse à ce besoin. Johann Berti revient sur la genèse et les objectifs de cet outil. Pierre-Yves Cachard, en s’appuyant sur l’enquête de Médiat Rhône-Alpes sur les activités et les compétences des personnels de catégories C et B en BU, apporte un éclairage sur la complexité et la diversité des activités dans un contexte où la transversalité des organisations intensifie et multiplie les missions. Cette réflexion est d’abord complétée par quatre focus qui permettent de voir comment ces évolutions ont été intégrées, au niveau des SCD, dans les organigrammes, la gestion des carrières et des recrutements. Elle change ensuite d’échelle pour comparer entre la Suisse et la France, les métiers de l’ingénierie documentaire.

Ces savoir-faire participent-ils à mieux positionner ou à rendre plus visibles les bibliothèques et les professionnels de la documentation au sein de leurs établissements ? Presque 20 ans après la LRU qui a eu des conséquences majeures sur les SCD, la DGS et le DRH de l’université de Picardie Jules Verne insistent sur les évolutions professionnelles et la capacité des agents à s’adapter et à innover dans un environnement où leurs activités sont globalement peu connues.

 

Benjamin Gilles
Pilote de la commission ADBU – métiers et compétences,
référent du dossier d’Arabesques